À une époque où tout semble pousser vers davantage de dépendance économique, d’accords commerciaux toujours plus vastes et de mécanismes technocratiques complexes, il est essentiel de rappeler ce qui fait réellement la force de notre pays : notre capacité à décider ensemble et notre volonté d’assumer collectivement les choix qui façonnent notre avenir.
La Suisse n’est pas parfaite, mais elle possède un potentiel démocratique et social unique en Europe – un modèle envié, copié, commenté, mais rarement égalé. Pourtant, ce modèle n’est fort que lorsqu’il est vivant. Et c’est là que se joue notre responsabilité.
Une démocratie extraordinaire… mais qui manque de vie
Nous avons la chance d’avoir :
- le droit d’initiative populaire,
- le droit de référendum,
- la subsidiarité poussée jusqu’aux villages,
- la collégialité,
- la consultation systématique des milieux concernés.
Un ensemble d’instruments qui place le pouvoir entre les mains de la population. Mais cette force s’affaiblit si nous ne l’utilisons pas : certains scrutins fédéraux, notamment à l’échelle locale, ont vu des taux de participation tomber autour de 28 %, alors que la moyenne des votations fédérales se situe autour de 45–47 % selon l’OFS1.
Une démocratie dans laquelle seule une minorité s’exprime est-elle encore pleinement une démocratie ?
Nous disposons d’un système extraordinaire, mais nous ne l’habitons plus assez.
L’enjeu n’est donc pas seulement de « conserver » notre modèle : il faut le développer, le rendre plus inclusif, plus compréhensible, plus enthousiasmant.
Ce que nous devons cultiver : participation, solidarité, souveraineté
Au lieu d’être obsédés par l’adaptation permanente à des contraintes économiques externes, redonnons de l’élan à ce qui nous appartient déjà :
1. Une population qui comprend comment fonctionne la société
Il ne suffit plus d’un matériel de vote distribué toutes les quelques semaines.
Nous avons besoin :
- d’éducation citoyenne dès l’école,
- de débats locaux,
- de médias indépendants et accessibles,
- d’espaces où l’on peut se réapproprier les enjeux de société.
Une démocratie ne vit pas seule : elle vit par celles et ceux qui la nourrissent. Et la Vrille s’y emploie à sa manière.
2. Une souveraineté de négociation réelle
Comme petit pays, notre force réside dans notre capacité à négocier librement, à refuser ce qui nous nuit et à accepter ce qui nous renforce.
Cela suppose une Suisse capable de :
- dire non quand un accord menace la démocratie directe,
- défendre son modèle social,
- privilégier les échanges équitables plutôt que purement commerciaux.
La cohésion sociale suisse – malgré ses imperfections – reste l’une des meilleures au monde.
Entretenons-la, alors que les accords de libre-échange la fragilisent au nom d’une croissance sans limite.
3. Un tissu local vivant
Nos communes, nos associations, nos artisans, nos producteurs, nos PME : voilà la Suisse réelle.
Il faut les protéger, les renforcer et éviter de les étouffer sous la pression d’une concurrence mondialisée qui ne tient ni compte du social ni de l’environnement.
Ce que nous voulons : donner envie de participer. L’avenir démocratique ne se construira jamais par la peur. Il se construit par l’envie, par la curiosité, par un sentiment d’appartenance. Notre priorité aujourd’hui n’est pas d’enchaîner des accords commerciaux qui risquent d’éroder notre marge de manœuvre politique. Notre priorité, c’est de redonner le goût de la démocratie. Redonner envie aux gens de voter. Redonner envie à chacun de comprendre les mécanismes qui structurent la société. Redonner envie de décider ensemble.
Protéger la démocratie avant les accords
Plusieurs projets actuels d’accords internationaux cherchent à simplifier le commerce et fluidifier l’économie.
Mais à quel prix ?
- Moins de capacité de décider nous-mêmes.
- Plus d’obligations de nous aligner sur des normes externes.
- Des pressions pour déréguler, accélérer, standardiser.
- Une dépendance accrue aux intérêts des grandes entreprises exportatrices.
Ce n’est pas cela dont nous avons besoin. Nous ne voulons pas davantage d’accords qui réduisent notre marge démocratique. Nous voulons davantage de citoyens capables de faire vivre la démocratie.
Construire une Suisse forte, c’est renforcer ce que nous avons déjà de meilleur. La question n’est donc pas « que devons-nous céder pour être compétitifs ? » Mais bien : que devons-nous nourrir pour rester souverains, unis et solidaires ?
La réponse tient en un mot : nous-mêmes.
Notre démocratie. Notre participation. Notre volonté collective. Notre modèle social. Notre autonomie de décision.
Voilà ce qui doit être protégé, développé, célébré – et transmis.
Pourquoi nous nous opposons aux Bilatérales III
Si nous défendons autant notre modèle démocratique, c’est aussi parce que la nouvelle série d’accords bilatéraux envisagée menace précisément ce que nous voulons préserver. Ces accords poursuivent un objectif avant tout économique : faciliter les échanges, standardiser les normes, accélérer les procédures. Mais derrière ces promesses d’efficacité se cache un coût démocratique que nous refusons d’accepter.
La Bilatérale III implique, de fait, une perte de souveraineté, car elle impose l’adoption automatique de réglementations décidées ailleurs, au bénéfice d’intérêts commerciaux qui ne tiennent compte ni de nos particularités sociales, ni de nos exigences environnementales, ni de notre modèle de démocratie directe. Elle place davantage de pouvoir dans les mains des grandes entreprises exportatrices, au détriment des citoyennes, des artisans, des communes et de notre tissu économique local.
Surtout, ces accords affaiblissent la capacité du peuple suisse à décider lui-même – alors que c’est précisément ce pouvoir que nous voulons renforcer. Comment redonner goût à la participation démocratique si, dans le même temps, nous transférons nos compétences essentielles à des instances qui ne rendent de comptes à personne ici ?
Défendons ce qui fait la force de la Suisse : solidarités locales, souveraineté populaire, négociation indépendante, démocratie vivante. Refusons logiquement une voie qui nous éloigne de ces principes. Notre avenir ne se trouve pas dans une dépendance accrue à des règles commerciales imposées, mais dans une démocratie revitalisée, participative, consciente et pleinement maîtresse de ses choix.
La Vrille
Notes :
- Participation aux votations – Office fédéral de la statistique